Panels en réseau - série 5 - panel 6 : La formation continue en enseignement et le PL23


Le sixième panel de la cinquième série des Panels en réseau, qui a eu lieu le 12 octobre 2023, a permis d’éclairer les enjeux relatifs au projet de loi n° 23 (PL23) sur la formation continue en enseignement. Les deux panélistes d’abord accueillies furent Marie-France Boulay et Mylène Leroux. Thérèse Laferrière, chercheuse principale du réseau PÉRISCOPE, a animé cette rencontre. Elle a d’ailleurs débuté le panel en lançant que le PL23, puisqu’il imposera certaines façons d’enseigner, rétrécira nécessairement l’expérience scolaire des élèves.

Marie-France Boulay, étudiante au doctorat et chargée d’enseignement, s’intéresse à l’apprentissage des adultes et des enseignant·es. Elle a débuté sa présentation en posant la question suivante : quelles sont les motivations derrière les modifications proposées par le PL23 et à quoi servent ces modifications? Pour Mme Boulay, l’article 34 est en contradiction avec les principes qui devraient soutenir les apprentissages :

Le ministre peut, par règlement, prévoir les conditions et modalités relatives à la formation continue prévue à l’article 22.0.1 de la présente loi et à l’article 54.12 de la Loi sur l’enseignement privé (chapitre E-9.1), notamment celles portant sur la reconnaissance du contenu des activités de formation, les modes de contrôle, de supervision ou d’évaluation des obligations de formation continue et, le cas échéant, les cas de dispense.

Ce règlement peut confier des fonctions en cette matière à une personne ou à un organisme, notamment à un directeur d’école, à un directeur de centre, à un établissement régi par la Loi sur l’enseignement privé ou à l’Institut national d’excellence en éducation. ». [1]

Avec cet article, il apparait clairement que le ministre veut pouvoir s’octroyer le pouvoir de cibler et de prioriser certains contenus de formation par rapport à d’autres. Par ailleurs, il semble vouloir venir encadrer certains contenus et mettre en place des mécanismes de suivi de la formation continue. Selon Mme Boulay, il s’agit d’une mesure d’ingérence dans l’autonomie professionnelle des enseignant·es qui leur enlève leur pouvoir d’agir. Ces mécanismes traduisent par ailleurs un manque de confiance flagrant à l’égard des équipes-écoles.

Mme Boulay propose plutôt de diriger les actions sur l’amélioration des conditions et des ressources dans des environnements capacitants en facilitant la collaboration entre enseignant·es (sur leur temps de travail) afin de leur permettre de faire preuve de réflexivité sur leur pratique. Par ailleurs, la chercheure propose aussi de soutenir et de financer les activités qui fonctionnent déjà, telles que celles de l’école en réseau.[2]

Mylène Leroux, professeure au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais, se spécialise dans la formation pratique des enseignant·es. Durant sa présentation, elle a proposé un bref état des lieux concernant la formation continue des enseignant·es considérant l’importance de s’appuyer sur la recherche afin de prendre des décisions politiques. Mme Leroux a d’abord présenté les exigences relatives à la formation continue. Si la loi n°40 a déjà ajouté 30 heures obligatoires, il en ressort qu’avec le PL23, tel qu’actuellement formulé, le ministre pourra imposer des formations, d’une durée dont la limite n'est pas connue pour l'instant (y a-t-il une limite?), sur un contenu choisi. La chercheure a ensuite exposé différents modèles de formation continue. Une grande diversité d’activités et de dispositifs existe déjà. Ensuite, Mme Leroux a présenté les conditions de réussite de la formation continue en invitant l’auditoire à prendre connaissance de l’article de Marie-France Boulay et de ses collaborateurs (2023). Cet article propose un panorama des enjeux de la formation continue et auxquels le PL23 ne répond pas. En effet, les dispositifs de formation continue devraient être intégrés à la pratique, orientés sur des contenus, collaboratifs, avoir le soutien de la direction, etc. Finalement, Mme Leroux a montré différents modèles permettant d’évaluer le développement professionnel continu.

À la suite de ces deux présentations, d’autres participant·es ont pris la parole, notamment en questionnant les premières panélistes sur cette question: sur quoi se baser pour évaluer les visées d’un dispositif? Selon Boulay, nous n’arriverons probablement jamais à avoir une liste de caractéristiques assez fines pour évaluer les dispositifs de développement professionnel. De toute manière, les enseignant·es ont besoin d’un plan différencié (à l’échelle de l’école) qui répond à leurs propres besoins. Ceux qu’ils nomment et évoquent.

Un peu plus tard, un participant d’expérience a permis d’éclairer cette question du point de vue de la pratique. Le proverbe « on peut emmener le cheval à l'abreuvoir, mais on ne peut pas le forcer à boire » a permis de mettre en relief une réalité qu’on ne peut ignorer. Les choses forcées ont bien peu d’effets, quel que soit le contexte. On ne peut que penser à l’utilisation des tableaux blancs interactifs (TBI) dans les classes dont les effets n'ont pas été aussi notoires que ce qui était espéré...

Finalement, une question a conduit les particitpant·es a interroger l’un des aspects centraux du PL23, soit les pratiques dites efficaces. Comment peut-on soutenir qu’il existerait des pratiques efficaces à tout coup, en toutes circonstances et dans l’absolu? Selon les panélistes, le message qui est envoyé est culpabilisant. Serait-ce parce que les enseignants n’appliquent pas les pratiques efficaces que tous les élèves ne réussissent pas? C’est honteux de laisser ce message circuler. Par ailleurs, ce manque de connaissances quant aux pratiques efficaces pourrait conduire à un acharnement sur les élèves en difficulté. En effet, à qui la faute si les élèves ne réussissent pas malgré les pratiques efficaces (en toutes circonstances, pour tous, etc.)? Vous oubliez l’humain, monsieur le ministre.

[1] Assemblée nationale du Québec (2023). Projet de loi n° 23 : Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation. Québec : Éditeur officiel du Québec.

[2] https://eer.qc.ca 

 

Voici la bande-annonce du panel :