Le troisième panel de la quatrième série des Panels en réseau, qui a eu lieu le 31 mars 2022, a marqué une évolution progressive de ceux-ci vers des rencontres de codesign (RenCod) qui a notamment emprunté l’approche de la double stimulation de la CHAT (Cultural-historical Activity Theory) alors que les participant·es se sont concentré·es sur la rétroaction par les pairs comme forme plus acessible de tutorat par les pairs. Les panélistes étaient Stéphane Allaire de l’UQAC, Sylvie Barma de l’Université Laval, Marie-Claude Gauthier du collège Jean Eudes et étudiante de doctorat à l’Université de Montréal et Mélanie Tremblay de l’UQAR. Thérèse Laferrière, chercheure principale du réseau Périscope, a guidé cette rencontre qui s’est aussi enrichie des réflexions de Linda Saint-Pierre (CTREQ) et d’Alain Fortier (ICI-PRS).
Il fut d’abord mentionné que la rétroaction par les pairs se veut une forme de tutorat par les pairs. Clle-ci fait l’objet de deux articles du premier numéro de la revue Innover dans la tradition de Vygotsky consacré à la participation de l’élève dans la classe et lors du dernier panel elle fut reconnue en tant qu’action pertinente à entreprendre et aussi « à la portée » des enseignant·es. Les panélistes ont puisé à leurs expériences d’enseignement ainsi qu’à leurs savoirs théoriques pour nommer les éléments importants ainsi que les assises de la rétroaction par les pairs. L’importance de réfléchir en amont aux buts, aux objets et aux tâches qui vont formaliser le contrat d’apprentissage dans le cadre d’une activité de rétroaction est rapidement ressortie.
Mme Gauthier a présenté son expérience de mise en place d’un dispositif d’écriture collaborative chez des élèves de secondaire, où la rétroaction par les pairs a occupé une place centrale. Pour la panéliste, la rétroaction renvoie au transfert de connaissances et de compétences externalisées par les élèves, notamment les stratégies verbalisées qu’ils et elles développent, cela même à la manière de l’enseignant·e. À son avis, la volonté de s’améliorer et le désir de s’engager devraient être à la base de l’expérience d’apprentissage de tout élève. Mme Barma situe la rétroaction par les pairs dans un contexte de participation de l’élève en rapport à des tâches données. Elle insiste sur l’importance de bien clarifier la nature de la tâche proposée, et les mécanismes de participation et d’implication attendus. Elle propose également de réfléchir en amont à tous les éléments nécessaires, par exemple, le but des tâches proposées, pour élaborer le contrat d’apprentissage qui va guider la rétroaction.
Selon Mme Tremblay, le but de la rétroaction est que l’élève puisse porter un jugement sur la production en cours d’élaboration des autres apprenant·e·s. Elle rejoint Mme Barma quant à l’importance de la tâche, tout en précisant qu’indépendamment de la discipline, l’envergure et la complexité des tâches proposées vont faire émerger différents objets d’apprentissage à des moments différents, lesquels vont faire varier les attentes de rétroaction et mobiliser par la suite les compétences des pairs afin d’offrir des rétroactions de qualité. M. Allaire voit la rétroaction comme présentant le potentiel de flexibiliser les modes d’interaction en classe. Il propose également d’envisager la rétroaction dans le cadre d’une tâche collective au cours de laquelle les apprenant·e·s exerceront leur jugement en évitant la stigmatisation (élève bon – élève faible).
Les panélistes ont aussi évoqué plusieurs idées autour des conditions d’un codesign de l’activité de rétroaction par les pairs. Mme Laferrière nomme la nécessaire planification de l’activité, incluant la préparation initiale des enseignant·es. Mme Gauthier et Mme Tremblay partagent l’avis que la formation et l’accompagnement soutenu des enseignant·es et des apprenant·es est fondamental et soutiennent les propos de Mme Barma concernant l’importance de planifier et de segmenter la tâche et de situer l’apprentissage comme un acte itératif. Selon Mme Gauthier, il s’agit de s’orienter vers des approches pédagogiques davantage coopératives ou collaboratives et de circonscrire la rétroaction dans une zone de proche développement. Elle insiste sur le rôle de l’enseignant·e en tant que « designer » et de médiateur. Dans sa propre expérience, le fait de constituer de dyades homogènes a favorisé leur engagement et renforcé leur sentiment de compétence. Mme Laferrière met en évidence que la composition de dyades peut influencer la négociation de sens qui se produit entre les élèves et que l’enseignant·e, en agissant comme guide du processus d’apprentissage, favorise l’agentivité des élèves.
Mme Tremblay partage une expérience de permutation des moments d’un dispositif d’aide, soit de présenter d’abord l’activité d’apprentissage à venir aux élèves en difficulté. Elle souligne qu’offrir de la rétroaction préalablement à ces élèves leur permet de s’approprier l’activité d’apprentissage, de travailler leurs difficultés en amont et de renforcer ainsi leur sentiment d’efficacité. Elle insiste sur l’importance de penser aux différentes facettes de l’objet d’apprentissage afin de bien définir les rétroactions attendues. Mme Barma partage aussi une expérience vécue en robotique où plusieurs enseignant·es ont constaté que les élèves les moins forts s’engageaient davantage. Mme Gauthier appuie et suggère aussi de revoir le terme « récupération », de le transformer en quelque chose de plus valorisant. Elle ajoute que des orthopédagogues pourraient aider à renforcer l’efficacité des rétroactions. Mme St-Pierre voit un tel dispositif comme l’exercice d’une responsabilité partagée et se réjouit des choix alors donnés aux élèves quant à leur participation. M. Allaire souligne l’importance de s’éloigner des procédés traditionnels qui se basent sur la transmission d’un contenu, la proposition de quelques activités, l’évaluation par l’enseignant·e marquée, à la fin du processus, par la notation pour plutôt adopter une approche itérative. Mme Tremblay abonde en ce sens en faisant remarquer que de conceptualiser autrement la participation de l’élève, par exemple, en insérant des moments de rétroaction par les pairs, favorise une démocratisation des jugements qui sont portés sur la performance des élèves.
Quelques inquiétudes quant à la mise en place d’un tel système ont été exprimées par M. Fortier, notamment que les différentes permutations vues comme nécessaires à l’heure de lancer un dispositif de rétroaction par les pairs fassent en sorte de décourager les enseignant·es qui décideraient de passer à l’action, et demande plus de concrétude. Mme Barma, nous partage son vécu d’enseignante et conclue qu’il est important de se permettre de commettre des erreurs, de se lancer et d’être prêts à justifier les choix faits auprès des parents. Mme Tremblay signale qu’il y a toujours des enseignant·es qui osent proposer des nouvelles solutions aux difficultés rencontrées. Par exemple, elle ne pouvait pas assurer de la rétroaction à ses plus de 145 élèves à la vitesse requise, et grâce à l’intégration des TIC dans son cours, elle a pu faire profiter les étudiant·es de deux grandes formes de soutien que des plateformes numériques peuvent apporter, soit la rétroaction et la collaboration. À son avis, il est indispensable d’offrir une rétroaction presque en temps réel car vivre des petites victoires encourage beaucoup les élèves. Mme Gauthier exprime sa confiance que la formation des futur·es enseignant·es à de nouvelles approches collaboratives jouera un rôle fondamental dans la réussite scolaire.
Mme Laferrière indique que ce panel aura permis de nous projeter en avant par rapport à la rétroaction par les pairs et de ce qu’elle pourrait permettre.
Alors que la version complète de la présentation est accessible uniquement aux membres, voici la bande-annonce de ce panel :