Le 24 février 2022 s’est déroulée la deuxième séance de la quatrième série des Panels en réseau. Elle portait sur letutorat par les pairs (TuToP) en milieu scolaire et la rencontre s’est déroulée en mode codesign (RenCoD).
Le panel a réuni Georges-Louis Baron (Université de Paris, GiS-2iF), Mélanie Bellemare (FSÉ-CSQ), Philippe Bernière (Collège des Compagnons), Martin Cayouette (FPSS-CSQ), Vincent Faillet (enseignant et chercheur français), Alain Fortier (ICI-PRS), Fanny Lamache (FSÉ-CSQ) et Linda St-Pierre (CTREQ) et l’animation était assurée par Thérèse Laferrière (chercheure principale du Réseau Périscope). Les critères de pertinence et de faisabilité du TuToP ont orienté la rencontre.
En matière de pertinence, les échanges ont porté sur les bénéfices que les échanges entre pairs apportent tant aux tuteur·rices qu’aux tutoré·es. Ainsi, M. Faillet a rappelé l’origine de l’enseignement mutuel au XVIe siècle en France, son influence dans l’éducation publique de ce pays, son expansion dans le monde, et son efficacité supérieure comparée au modèle d’enseignement à l’ensemble des élèves d’une même classe (enseignement simultané). Il a ajouté que l’enseignement mutuel ne pouvait pas être prôné, pour des raisons politiques ou religieuses, vu son caractère émancipatoire. M. Bernière a signalé que du fait d'avoir un·e « enseignant·e » à son niveau et d'être jumelé·e à un·e autre élève, la pression de performance est réduite car ça enlève le jugement de l'enseignant·e. Il a fait remarquer que cela fonctionne beaucoup mieux en termes de communication, parce que les deux jeunes en question ont un vocabulaire plus proximal, très souvent les mêmes conceptions spontanées, le même bagage, ce qui signifie qu'on se retrouve alors très souvent avec des situations d’apprentissage auxquelles leurs enseignant·es n’avaient pas pensé. L’ensemble des panélistes ont reconnu le gain pédagogique de la mise en place de cette pratique. L’importance de sensibiliser les élèves, les parents et les enseignant·es aux avantages que peut apporter cette façon de faire a été soulignée.
En matière de faisabilité, les panelistes ont partagé des expériences concernant le TuToP et ont réfléchi ensemble sur les conditions nécessaires au bon fonctionnement d’une telle pratique : motivation, flexibilité, ouverture, identification des savoirs et des compétences requises par le ou la tuteur·rice et des besoins du ou de la tutoré·e, réaménagement des rôles et de l’espace de classe et gains d’apprentissage tangibles. Il a été noté que le TuToP ne demande pas plus de temps qu’un cours magistral, ni une recomposition du programme. La différence entre tutorat par les pairs et le travail en dyades a été abordée, celle-ci revenant au nécessaire écart de performance entre les pairs, soit une plus forte maîtrise de connaissances par l’un·e. On a signalé l’importance d’une formation des équipes de travail basée sur cet écart. M. Payeur a partagé son inquiétude concernant la hiérarchisation de l’école, facteur qui creuse la tension compétition-collaboration, et la pression exercée par l’évaluation, soit des facteurs susceptibles de nuire à la mise en place de ce dispositif complémentaire d’apprentissage. Rebondissant sur la question de l’évaluation, M. Bernières a insisté sur l’importance de repenser les indicateurs de réussite et proposé de penser davantage à un seuil de qualité qu’à un seuil de réussite, comme clé afin de réduire la compétition entre élèves. Il est revenu aussi sur l’importance de la souplesse d’un telle activité, incluant la négociation avec les élèves de la configuration de celle-ci. Il a aussi été mentionné que l’âge des pairs ne semblait pas affecter le niveau de difficulté de la mise sur pied du TuToP.
Baron a fait remarquer que plusieurs recherches démontrent que, dans un modèle d’apprentissage collaboratif, il y a autant de bénéfices éducatifs pour le tuteur·rice que pour la personne tutorée et ça, dans différentes sphères de leur développement. Il a souligné qu’avec la crise du COVID-19, nous avons une occasion de ramener sur la table la question de la coopération entre pairs, l'apprentissage collaboratif, le tutorat par les pairs. Il a soulevé l’importance de la recherche pour continuer de problématiser, d’analyser les tensions et les problèmes et de réduire les préjugés relatifs à cette forme d’apprentissage qui a pourtant démontré son efficacité.
En discutant de la place du numérique pour soutenir le TuToP, les panélistes reconnaissent que déjà les élèves utilisent spontanément Snapchat, WhatsApp, Tiktok et d’autres réseaux pour échanger et résoudre leurs problèmes. Ainsi, une dynamique parallèle au système éducatif se produit.
Le tutoré d’aujourd’hui deviendra le tuteur de demain… M. Cayouette a rappelé que les tutoré·es partagent aussi leurs acquis avec leurs tuteurs·rices, ce qui fait que la situation est gagnante pour les deux. Mme St Pierre reconnait que le TuToP est une belle occasion de responsabilisation des apprenant·es de leur autonomie et une sensibilisation à la réalité de l'autre aussi.
La manière dont il sera possible de communiquer aux établissements scolaires les réflexions et les pistes d’action identifiées en mode codesign n’a pu qu’être effleurée.
Alors que la version complète de la présentation est accessible uniquement aux membres, voici la bande-annonce de ce panel :